Le soleil chahute juste au dessus des silhouettes colorées, Ava, l'échine pliée a ramené d'une sortie à l'extérieur une pierre.
Cela semblait stupide à prime abord, d'avoir gardé au fond de sa poche un caillou aussi lourd dont les angularités font mal aux phalanges. Elle a pourtant tenu à le dérober à sa terre, à le faire pleurer sous les lavabos pour en arracher toute la saleté. Dans le grand parc de Nas'Wël, là où toutes les races magiques se côtoient sans s'effrayer, la louve doit plisser le nez pour se débarrasser de tous les parfums, surtout ceux exotiques que les jolies dames aiment autant porter, comme maman, alors que son nez était horriblement sensible. Parce que c'était l'odeur préférée de papa, malgré les sinus souvent bouchés. J'ai trouvé une géode. Si tu arrives à la casser, on va pouvoir faire des vœux mais... Surtout. L'adolescente redresse le dos tandis que ses jambes sont tendues autour de la pierre, à côté de Lochlan.
Au fond de son vieux sac en cuir elle extirpe un énorme livre sur les pierres et les significations. Elle l'a trouvé, niché entre des bouquins sur l'histoire française. Là-dedans, j'ai trouvé des informations dingues. On pourrait se faire de l'argent pour des mois !
Ava relève les yeux sur Lochlan, attrape la pierre et lui tend pour qu'il en prenne connaissance, de ses formes irrégulières et saccadées, à défaut d'avoir un jour connu les siennes.

Elle n'a pas tout de suite songé à Fenella, pour parler de cette trouvaille un peu bête, qui n'a de sens que pour elle, certainement. Elle a réclamé l'attention de Lochlan toute cette matinée, à le traîner dans les librairies et puis les quelques musées sur les divinités.
Ava n'a pas pensé, que peut-être, il n'aurait pas envie, que ça ne l'intéressait pas. Parce que ce ne sont pas les questions qu'elle se demande, lorsqu'elle le voit. Il n'y a plus grand chose qui file droit, pas les pensées ni même le grenat mal foutu au fond de la poitrine.
Sa main traverse la chevelure bouclée de Lochlan, elle tire ses cheveux sans gêne et se penche jusqu'à basculer par terre, la tête contre ses baskets et la paupière droite serrée. Tu penses que Fen va se marier à Bellamy, bientôt ? J'ai envie de l'entendre crier sur tout le monde. La louve se met à rire, le sourire large et elle ne peut s'empêcher de faire des arabesques avec ses doigts contre son mollet. D'ailleurs tu vas faire quoi ce soir ? On va voir les étoiles avec Fenella ?
Ses yeux se rouvrent, ronds et impatients. Ava veut entendre la voix de Lochlan encore bercé ses oreilles de miel, elle se redresse sur ses coudes et observe Monsieur Raisin courir le long de ses jambes, serrées dans son jean noir. Quand t'es là il est surexcité. Je devrais te tuer et lui avec, je crois.. Une grimace et l'adolescente bouscule Raisin qui râle et qui sautille jusqu'au sans-visage, tend les pattes afin qu'il l'attrape pour venir dévorer sa chair à son tour.

Le temps ne se démonte pas, à faire vrombir les rayons solaires contre les épidermes blanches. Ava a chaud, elle regrette déjà le pull large sur ses frêles épaules et elle tend alors ses bras, complètement couchée sur le dos, elle espère que Lochlan n'aura pas l'idée de bouger le pied, de venir arracher ses épis presque blonds.
Son ventre fait mal, à faire des soubresauts charmants tandis que ses genoux se cognent pour ne pas se laisser trop aller. Elle voudrait tout de suite, lui vomir toutes ses idylles et méchantes passions, seulement, elle a peur de recevoir le coup de ses pulsions, celles qui veulent faire mal. Alors Ava resserre la mâchoire pour ne pas venir mordre Lochlan, partout. Entre l'épaule et la gorge, sous l'aisselle et juste derrière la rotule afin de le blesser assez pour pouvoir s'ouvrir, écarter son poitrail tout entier, arracher les os qui bloquent toutes ses émotions, faire parvenir les joutes des amoureux.
Non, elle n'arrive pas pas à se défaire de sa violence acerbe et elle plonge les mains sous le pull pour découvrir son ventre, à peine. Tu me parlerais toujours si j'étais un horrible monstre ? Et me dis pas que j'en suis déjà un. Je parle de si par exemple tu vois, j'étais un affreux gnome avec des mains à la place des pieds.
Ava le regarde, la bouche entrouverte. Elle parle et s'égare, comme si souvent à ses côtés. Ça ne lui arrive pas si souvent, de sentir la salive autant couler au fond de sa gorge, d'en avoir presque mal aux dents, à force de les faire claquer pour se taire.